Partie 3
LES ANNÉES DE TOURMENTE
Chapitre 3 : LE DÉFI RÉUSSI DE LA BANQUE UNIVERSELLE

La banque de dépôt fonctionne très bien et l’activité du CIH est florissante. Ainsi, en 1994, le CIH consent 918 millions de dirhams de crédit, soit 32 % de plus qu’en 1993 ! Mais la situation politique internationale va bouleverser les règles du jeu. À la crise du secteur hôtelier consécutive à la guerre du Golfe et à l’attentat de Marrakech – avec la décrue massive des arrivées touristiques – se greffe une crise de l’immobilier. Au regard de son fort engagement dans les deux secteurs, la cristallisation de ces événements a des répercussions très lourdes pour le CIH. En effet, l’institution est en pleine mutation. Certes les premières années de l’activité bancaire sont encourageantes, mais l’ensemble demeure trop fragile, eu égard à la gravité de la situation. Le CIH peut recevoir des dépôts depuis le 31 décembre 1985, et il le fait effectivement depuis 1988. Ses ressources n’ont cessé de croître mais pas suffisamment par rapport à l’évolution du contexte politique et économique. En outre, il n’est pas encore présent sur le marché des entreprises et des professionnels. Un gros manque à gagner en termes de ressources financières potentielles.

Face à la situation du CIH, l’État intervient et permet le rééchelonnement des impayés hôteliers, alors même que celui-ci est toujours sollicité pour financer les grands programmes immobiliers nationaux avec des crédits à long terme.

Le paysage bancaire se dessine

Parallèlement, en ce début des années 1990, le Maroc poursuit la modernisation de son système bancaire. C’est la suite logique du changement de politique économique initié par le plan d’ajustement structurel de 1983. La loi bancaire du 6 juillet 1993 marque une étape importante qui, une fois encore, va directement impacter le CIH. Elle met en effet un terme à la loi bancaire de 1967. Le paysage bancaire est unifié, mettant définitivement fin aux organismes financiers spécialisés. Toutes les banques sont désormais soumises aux mêmes obligations, y compris le CIH. Pour mémoire, la création de la banque de dépôt n’a pas remis en cause le statut du CIH. Dorénavant, il est soumis aussi à la loi bancaire au même titre que les autres banques commerciales, et donc au contrôle de la Banque centrale marocaine. Le maître mot maintenant est « libéralisation ».

Porte d’entrée de l’agence CIH Hassan II à Casablanca, août 2007.
M. Othman Slimani (à droite), avec M. Abdellatif Jouahri (à gauche), avant un Conseil d’administration au début des années 1990.
Le CIH surmonte les épreuves

La situation du CIH se détériore au fil des mois. Sa trésorerie est largement déficitaire. Plus que jamais, il y a urgence. Conscient de l’importance du CIH dans le paysage économique marocain et de la solidité de ses fondamentaux, l’État lance un plan de redressement en 2000. Il consiste à recapitaliser la banque à hauteur de 2 milliards de dirhams, à octroyer un prêt du Trésor public de 1 milliard de dirhams, à prendre en charge une partie des pertes de change et à refinancer les promoteurs publics pour qu’ils puissent eux-mêmes rembourser leurs dettes auprès du CIH. Avec l’appui du ministère des Finances, la CDG, confiante dans l’avenir du CIH, participe activement à son redressement en prenant part à l’augmentation de capital et en se substituant à d’autres actionnaires qui se sont retirés. Fin 2005, la CDG détient 65 % du capital du CIH. Par ailleurs, le CIH met en place un moyen de refinancement supplémentaire, la titrisation.
Le climat est pesant. L’avenir demeure incertain. Et pourtant il faut continuer de travailler. Il faut maintenir le réseau, car sans lui tous les efforts entrepris s’avéreront inutiles. Les clients restés fidèles doivent bénéficier de la même qualité de service qu’en temps normal.

Bâtiment du siège social de la Caisse de dépôt et de gestion à Rabat.
Discours de M. Khalid Alioua, PDG du CIH, lors de la convention des cadres en 2006.

Que ce soit les commerciaux dans les agences ou le reste du personnel au siège, tous résistent et se battent chaque jour pour leur entreprise. L’Association des cadres créée à l’occasion contribue à renforcer cette combativité. Plus que jamais, les termes de solidarité et d’esprit de famille ont une véritable signification. Khalid Alioua est nommé à la présidence du CIH en 2005. Il replace le CIH dans l’activité commerciale et redonne confiance aux équipes.
L’année 2006 marque la fin du plan de redressement, bien que dès 2004 le CIH ait affiché son premier exercice positif depuis sept ans. C’est une réussite. Les équilibres financiers sont rétablis, les comptes globalement apurés. Le CIH se recentre et se positionne désormais comme « banque de la famille ». Le fi nancement de l’hôtellerie est abandonné. Autre étape, le CIH se transforme en société anonyme avec un directoire et un conseil de surveillance en 2007, et avec un conseil d’administration à compter de 2009.

Signalétique « Banque des Particuliers et des Professionnels » au 4e étage du siège social de CIH Bank à Casablanca, décembre 2016.
LA TITRISATION

Le Maroc peut s’enorgueillir d’avoir été la première place financière africaine à effectuer une opération de titrisation. Celle-ci a été mise en place au début des années 1990, alors que l’État entendait répondre au déficit du logement auquel les catégories sociales démunies étaient confrontées. Mesure phare à l’époque, le Programme des 200 000 logements. Le Maroc se fait alors accompagner par la Banque mondiale et le FMI. Les organismes internationaux préconisent la réforme du marché financier dans son ensemble, et plus spécifiquement pour la partie logement. L’objectif est d’aider les banques à augmenter leur capacité de financement du crédit immobilier. Le CIH est donc directement concerné. Et la titrisation, pratiquée aux États-Unis depuis les années 1970, apparaît comme l’outil approprié. Pour ce faire, une loi est proposée en 1995 ; votée en 1999, ses décrets d’application ne sont publiés qu’en 2001 ! Il a fallu six ans, car le mode opératoire est très complexe et inédit sur le marché dans la mesure où il fait intervenir différents systèmes et où plusieurs instruments financiers se combinent. De plus, il est décidé de créer une société indépendante : Maghreb Titrisation. Le mécanisme est aussi simple en apparence que complexe à déployer, notamment au niveau du traitement informatique : si la banque a placé

ses ressources dans des crédits à long terme et si elle a besoin de trésorerie, elle peut vendre ses actifs, c’est-à-dire ses créances sur le marché financier, à des investisseurs. Elle transforme ainsi les crédits en liquidités qui peuvent être utilisées pour donner de nouveaux crédits. Autre avantage de la titrisation : la réduction du coût de refinancement. En effet, plus le taux de revente des créances est faible, plus la marge pour l’établissement concerné est importante !
La première opération a lieu en avril 2002, pour le compte du CIH. C’est un grand succès. Suivent deux autres opérations : en 2003, pour refinancer le CIH pendant la période de crise, et en 2008, alors même que le système de la titrisation est battu en brèche avec la « crise des subprimes » ! La société Maghreb Titrisation a joué un rôle non négligeable dans la modernisation du paysage financier marocain. Elle est aussi devenue une référence, non seulement dans le Royaume mais aussi dans toute l’Afrique. Des opérations ont été réalisées en Tunisie, des missions de conseil ont été menées pour la mise en place d’opérations de titrisation en Afrique de l’Ouest, et la Banque centrale ouest-africaine a fait appel également à ses services. Aujourd’hui, la titrisation ne se limite plus aux crédits immobiliers mais concerne tout type d’actif.

Dans les bureaux du siège social de CIH Bank à Casablanca, décembre 2016.
Vous êtes ici