Le touriste à la recherche de soleil se dirige naturellement vers les côtes marocaines
et leurs vastes plages. La mode du séjour balnéaire est lancée et elle va
connaître un engouement sans précédent. En groupes organisés, les vacanciers
déferlent chaque été pour une semaine, voire deux, de farniente. Ils viennent
de France mais aussi d’Europe du Nord (Allemands et Scandinaves), et cette
nouvelle population est très friande de ces séjours balnéaires en clubs. À la
manoeuvre, des tour-opérateurs qui contrôlent la chaîne de commercialisation
en s’appuyant notamment sur les compagnies aériennes low cost également en
plein essor à partir des années 1980. Ils proposent une offre uniforme et donc
moins coûteuse.
Des pôles de loisirs voient le jour, marqués par une forte concentration. On parle
désormais de villages clubs où sont réunis tous les services et les activités de
loisirs, et qui nécessitent donc de vastes espaces disponibles. Toute la côte nord est concernée et va être réaménagée.
Tanger connaît à l’occasion un regain d’activité. De 1967 à 1990, onze hôtels y sont financés par le CIH. Sur la façade ouest, Agadir devient le symbole de ce tourisme d’un nouveau genre, et le CIH y finance pas moins de vingt-deux hôtels pour la même période.
Est-ce à dire que le tourisme culturel qui privilégie la découverte des paysages et des sites remarquables est dépassé ? Non, les circuits individuels ou en groupe continuent d’attirer les touristes, mais ils sont désormais complétés par un séjour balnéaire, jugé plus reposant. Pour ce type de tourisme, le Maroc peut alors s’appuyer sur la notoriété des villes impériales : Fès, Meknès, Marrakech, Rabat. Reste à étoffer l’offre et à monter en gamme, compte tenu des exigences en termes de services et de confort. Le CIH est particulièrement actif avec à titre d’exemple le financement de quarante-huit hôtels à Marrakech et de trentequatre à Rabat, sur la période 1967-1990.
S’il est un hôtel mythique au Maroc, La Mamounia est
bien celui-ci ! Mieux, c’est un palace parmi les palaces
les plus célèbres au monde. Son histoire commence
véritablement en 1923, lorsque l’ONCF, propriétaire des
lieux, confie les travaux aux architectes Henri Prost – très
actif à Casablanca – et Marchisio. Ce sera un hôtel d’une
cinquantaine de chambres sur un seul étage. Suivront
des décennies de fréquentation et une succession de
rénovations pour adapter l’hôtel aux exigences des
standards hôteliers internationaux. Pas moins de six
chantiers, partiellement financés par le CIH, feront appel
à de célèbres architectes, dont Aziz Lazrak, lui-même
accompagné par Jean-Émile Duhon, l’architecte conseil de
Feu Sa Majesté Hassan II. La dernière rénovation remonte
à 2006-2009, sous la houlette du décorateur Jacques
Garcia, et met à l’honneur tout le savoir-faire de l’artisanat
marocain : dinanderie, zelliges, tapis, tadelakt, sculpture du
bois et du marbre… Et l’eau, sacrée car source de vie, est
omniprésente ! La Mamounia se doit d’incarner l’art de vivre
à la marocaine, tout en finesse.
L’hôtel puise son nom dans l’histoire même des lieux : une
oasis à l’abri des remparts de Marrakech, transformée en
jardins luxuriants.
Au XVIIIe siècle, le prince Al Mamoun reçoit lesdits jardins en cadeau de mariage. Ces lieux porteront
son nom ! Depuis, La Mamounia évoque la magie d’un hôtel
au coeur de jardins enchanteurs aux oliviers plusieurs fois
centenaires et aux quelque 5 000 rosiers et 700 orangers…
avec l’Atlas en toile de fond, et juste à côté le minaret de la
Koutoubia. Avant même d’ouvrir ses portes, La Mamounia
est associée aux artistes : Jacques Majorelle se voit confier
la décoration du salon – le plafond est exceptionnel – qui
portera son nom. Lui succédera un florilège de personnalités
politiques – de Gaulle, Churchill qui a donné son nom à une
suite – de stars – Charlie Chaplin, Édith Piaf, Elton John,
Marlène Dietrich, Paul McCartney – de grands couturiers
comme Yves Saint-Laurent, de compositeurs tel Maurice
Ravel ou de grands noms de la littérature comme Marguerite
Yourcenar. L’histoire continue de s’écrire et La Mamounia
est devenue un lieu de culture : le Prix de La Mamounia,
créé en 2010, promeut la culture marocaine francophone
avec des lauréats comme Mohamed Nedali, Mohamed Lefta
et en 2015, Leila Slimani. Le palace devient aussi le lieu
d’expositions temporaires ; tel un mécène, La Mamounia
favorise les échanges entre les cultures, les époques
et les arts.