Partie 3
LE TOURISME, OUTIL DE PROSPÉRITÉ DES TERRITOIRES
Chapitre 2 : À L’ORIGINE DU SECTEUR TOURISTIQUE
La ruée vers les côtes

Le touriste à la recherche de soleil se dirige naturellement vers les côtes marocaines et leurs vastes plages. La mode du séjour balnéaire est lancée et elle va connaître un engouement sans précédent. En groupes organisés, les vacanciers déferlent chaque été pour une semaine, voire deux, de farniente. Ils viennent de France mais aussi d’Europe du Nord (Allemands et Scandinaves), et cette nouvelle population est très friande de ces séjours balnéaires en clubs. À la manoeuvre, des tour-opérateurs qui contrôlent la chaîne de commercialisation en s’appuyant notamment sur les compagnies aériennes low cost également en plein essor à partir des années 1980. Ils proposent une offre uniforme et donc moins coûteuse.
Des pôles de loisirs voient le jour, marqués par une forte concentration. On parle désormais de villages clubs où sont réunis tous les services et les activités de loisirs, et qui nécessitent donc de vastes espaces disponibles. Toute la côte nord est concernée et va être réaménagée.

Plage à Tétouan, dans les années 1970.
Touriste dans la medersa Ali Ben Youssef à Marrakech, dans les années 1990.

Tanger connaît à l’occasion un regain d’activité. De 1967 à 1990, onze hôtels y sont financés par le CIH. Sur la façade ouest, Agadir devient le symbole de ce tourisme d’un nouveau genre, et le CIH y finance pas moins de vingt-deux hôtels pour la même période.

L’attrait des villes impériales

Est-ce à dire que le tourisme culturel qui privilégie la découverte des paysages et des sites remarquables est dépassé ? Non, les circuits individuels ou en groupe continuent d’attirer les touristes, mais ils sont désormais complétés par un séjour balnéaire, jugé plus reposant. Pour ce type de tourisme, le Maroc peut alors s’appuyer sur la notoriété des villes impériales : Fès, Meknès, Marrakech, Rabat. Reste à étoffer l’offre et à monter en gamme, compte tenu des exigences en termes de services et de confort. Le CIH est particulièrement actif avec à titre d’exemple le financement de quarante-huit hôtels à Marrakech et de trentequatre à Rabat, sur la période 1967-1990.

Panneau kilométrique sur une route menant à Ouarzazate, dans les années 2010.
LA MAMOUNIA

S’il est un hôtel mythique au Maroc, La Mamounia est bien celui-ci ! Mieux, c’est un palace parmi les palaces les plus célèbres au monde. Son histoire commence véritablement en 1923, lorsque l’ONCF, propriétaire des lieux, confie les travaux aux architectes Henri Prost – très actif à Casablanca – et Marchisio. Ce sera un hôtel d’une cinquantaine de chambres sur un seul étage. Suivront des décennies de fréquentation et une succession de rénovations pour adapter l’hôtel aux exigences des standards hôteliers internationaux. Pas moins de six chantiers, partiellement financés par le CIH, feront appel à de célèbres architectes, dont Aziz Lazrak, lui-même accompagné par Jean-Émile Duhon, l’architecte conseil de Feu Sa Majesté Hassan II. La dernière rénovation remonte à 2006-2009, sous la houlette du décorateur Jacques Garcia, et met à l’honneur tout le savoir-faire de l’artisanat marocain : dinanderie, zelliges, tapis, tadelakt, sculpture du bois et du marbre… Et l’eau, sacrée car source de vie, est omniprésente ! La Mamounia se doit d’incarner l’art de vivre à la marocaine, tout en finesse. L’hôtel puise son nom dans l’histoire même des lieux : une oasis à l’abri des remparts de Marrakech, transformée en jardins luxuriants.

Hôtel de la Compagnie CFM, La Mamounia, dans les années 1920.
La décoration intérieure du célèbre palace en 2010. Ici, zellige noir et blanc du patio Andalous menant au Grand Salon.

Au XVIIIe siècle, le prince Al Mamoun reçoit lesdits jardins en cadeau de mariage. Ces lieux porteront son nom ! Depuis, La Mamounia évoque la magie d’un hôtel au coeur de jardins enchanteurs aux oliviers plusieurs fois centenaires et aux quelque 5 000 rosiers et 700 orangers… avec l’Atlas en toile de fond, et juste à côté le minaret de la Koutoubia. Avant même d’ouvrir ses portes, La Mamounia est associée aux artistes : Jacques Majorelle se voit confier la décoration du salon – le plafond est exceptionnel – qui portera son nom. Lui succédera un florilège de personnalités politiques – de Gaulle, Churchill qui a donné son nom à une suite – de stars – Charlie Chaplin, Édith Piaf, Elton John, Marlène Dietrich, Paul McCartney – de grands couturiers comme Yves Saint-Laurent, de compositeurs tel Maurice Ravel ou de grands noms de la littérature comme Marguerite Yourcenar. L’histoire continue de s’écrire et La Mamounia est devenue un lieu de culture : le Prix de La Mamounia, créé en 2010, promeut la culture marocaine francophone avec des lauréats comme Mohamed Nedali, Mohamed Lefta et en 2015, Leila Slimani. Le palace devient aussi le lieu d’expositions temporaires ; tel un mécène, La Mamounia favorise les échanges entre les cultures, les époques et les arts.

Voitures de luxe garées devant l’hôtel à Marrakech, en 1952.
Personnel de service devant l’entrée, années 2000.
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